đ„œThere's a revolution in the...
Et si on parlait de Métavers pour démarrer la semaine ? Et aussi de Walk-Man, des Beatles, des imaginaires, d'hypertexte et de cybernétique ? Oui, c'est chargé... C'est #Virtuel(s), opus #7.
Virtuel(s) explore, de maniĂšre irrĂ©guliĂšre, les imaginaires et notre relation au numĂ©rique. Ă chaque billet, on rĂ©flĂ©chit, on imagine et on nâa pas forcĂ©ment de rĂ©ponses. Vous ĂȘtes aujourdâhui presque une quarantaine Ă suivre cette aventure Ă©crite. Bonne lecture* ! đ
*Ah oui⊠petite prĂ©cision : quand vous voyez dans le texte un [đż], un [đ] ou encore un [đ°], nâhĂ©sitez pas Ă cliquer dessus. Câest un lien⊠qui vous emmĂšnera Ă un complĂ©ment de lecture.
đAilleursâŠ
Thomas Ă©tait bien lĂ , sur cette plage, exposĂ© Ă la chaleur de la fin dâaprĂšs-midi et au lĂ©ger vent qui soufflait de la mer. Au loin, quelques voiles semblaient vouloir lui dire quâil y avait encore des hommes qui parcouraient cette moitiĂ© du globe. Lui sâen foutait. Il profitait dâun repos bien mĂ©ritĂ© aprĂšs une semaine de travail plus que fatigante. Il serait bien restĂ© lĂ , Ă rĂŽtir au soleil, pendant encore des heures⊠sâil nâavait pas Ă©tĂ© lâheure de prĂ©parer le repas des enfants.
19h30.
Thomas enleva son casque de rĂ©alitĂ© virtuelle et se dirigea vers la cuisine de lâappartement.
Alors que Facebook hurle Ă qui mieux mieux quâil veut crĂ©er le MĂ©tavers, on est en droit de se poser une question lĂ©gitime : câest quoi, au juste, le MĂ©tavers ? La Wikipedia le dĂ©crit comme un monde virtuel fictif [đ°] et fait remonter son origine au fabuleux Snow Crash de Neal Stephenson [đ] dont les descriptions en 1992 ne sont pas sans similitudes avec le projet de Mark Zuckerberg et lâensemble de nos imaginaires autour de la rĂ©alitĂ© virtuelle, des rĂ©seaux informatiques et des loisirs numĂ©riques.
Mais finalement, si on parle dâun monde virtuel fictif, dâun endroit dans lequel on vit mais qui nâexiste pas, le MĂ©tavers nâexiste-t-il pas depuis bien plus longtemps que 1992 ? Et est-ce que lâimagination fertile des auteurs, poĂštes et chanteurs nâa pas fourni au monde des millions de MĂ©tavers avant le sublissime Snow Crash ? La question, elle mĂ©rite dâĂȘtre posĂ©e⊠et vite rĂ©pondue.
En rĂ©ponse Ă la crise Ă©conomique et industrielle, en 1977, les deux gĂ©nies de la bande dessinĂ©e que sont Pierre Christin et Enki Bilal imaginent La Ville qui nâexistait pas [đ], troisiĂšme opus de leurs LĂ©gendes dâAujourdâhui. Un village des Flandres, touchĂ© de plein fouet par la dĂ©sindustrialisation, voit son avenir chamboulĂ© par une riche hĂ©ritiĂšre qui va faire Ă©merger une ville modĂšle, fĂ©Ă©rique, dans laquelle la sĂ©curitĂ© matĂ©rielle de tous est garantie. Une utopie. Une ville qui nâexiste pas, dans laquelle certains peinent Ă trouver leur place. Une sorte de rĂ©alitĂ© alternative isolĂ©e - physiquement - du monde rĂ©el. Une fiction. Un MĂ©tavers en quelques sortes.
Toujours en 1977, lâauteur de science-fiction britannique Christopher Priest imaginait A Dream of Wessex [đ]. Dans une sorte de rĂȘve partagĂ© pilotĂ© par ordinateur, une femme va retrouver lâhomme quâelle aime, pourchassĂ© dans le monde rĂ©el. Ils se rĂ©fugieront au final dans un comtĂ© anglais imaginaire, irrĂ©el, rĂȘvé⊠[đż] un MĂ©tavers.
En 1934, dans The Man who Awoke [đ], Laurence Manning imagine la voyage dans le temps dâun homme dont les phases de sommeil provoquĂ© durent 1.500 ans. Au cours de lâun de ses rĂ©veils, il rencontrera une Ă©volution de lâespĂšre humaine qui prĂ©fĂšre connecter nerfs optiques et auditifs Ă un ordinateur plutĂŽt que de vivre dans le monde rĂ©el. Certains voient dans cette vision un prĂ©sage de Matrix. Cela reste, encore une fois, un MĂ©tavers.
Et, Ă bien y rĂ©flĂ©chir, Est-ce que la Caverne de Platon [đ°] nâest pas le premier des MĂ©tavers ?
Et, à bien y réfléchir, ne vivons-nous pas déjà dans un Métavers ? Ou à tout le moins dans une sorte de Supravers ?
Depuis lâavĂšnement de lâĂšre numĂ©rique - quâon datera au choix des annĂ©es 1960 avec lâapparition des premiers fichiers commerciaux au sein des compagnies dâassurance et des banques amĂ©ricaines, ou des annĂ©es 1990 avec la dĂ©mocratisation des accĂšs aux Autoroutes de lâInformation chĂšre Ă Al Gore [đż] - le rĂ©el sâest parĂ© dâune surcouche informationnelle de plus en plus Ă©paisse. Le rĂ©el dont nous avons lâexpĂ©rience est dĂ©sormais habillĂ© de donnĂ©es. Ces donnĂ©es, ce sont celles qui nous permettent de connaĂźtre le menu dâun restaurant avant de nous y rendre, voire mĂȘme de prĂ©sager de lâexpĂ©rience que nous y vivrons en consultant les avis des autres consommateurs sur des sites dĂ©diĂ©s. Ce sont lâensemble des meta-donnĂ©es qui couvrent le monde et qui font que nous expĂ©riençons celui-ci au travers dâune interface dâinformations.
La Matrice ? Non, la matrice se substitue au monde, le Supravers crĂ©e un rideau qui soit en facilite la comprĂ©hension et lâexpĂ©rience, soit en trahit le sens. Finalement, et assez trivialement depuis lâinvention du Walk-Man par Sony [đ°], nous vivons dĂ©jĂ dans une sorte de rĂ©alitĂ© alternative, qui Ă dĂ©faut dâĂȘtre complĂšte est technologiquement acceptable et performante.
Il nây a quâĂ visionner une vieille publicitĂ© [đŒ] pour sâen convaincre : le Walk-Man ajoute une couche-mĂ©dia Ă la rĂ©alitĂ© du simple fait quâil est transportable et individuel. La musique qui passe dans les mousses oranges du casques change notre perception de notre environnement, le rendant successivement plus joyeux [đż], plus mĂ©lancolique ou plus triste [đż], en fonction des notes et des paroles qui parviennent Ă notre cerveau. Une impression - pour reprendre le terme de peinture dont la logique est proche - qui nous est propre, et qui sera distincte de celle de notre voisin si sa playlist diffĂšre de la nĂŽtre. Ce monde et sa musique ne sont plus la rĂ©alitĂ©, ils sont notre perception propre de la rĂ©alitĂ©, amplifiĂ©e par un appareil analogique. Il y a quarante ans, grĂące Ă Sony, on nâĂ©tait dĂ©jĂ pas loin du MĂ©tavers.
Aujourdâhui, le smartphone a remplacĂ© la Walk-Man. Et il ne se contente pas de changer notre perception par la musique, il ajoute Ă©galement au monde rĂ©el une couche dâinformation(s) qui en change notre lecture : nous fait choisir un produit plutĂŽt quâun autre dans les rayons des supermarchĂ©s, nous fait choisir une route plutĂŽt quâune autre sur le trajet des vacances, nous fait choisir une restaurant plutĂŽt quâun autre pour ce prochain rendez-vous dâaffaire... Une information, dans certain cas de plus en plus personnalisĂ©e, qui fait que notre monde ne ressemble plus rĂ©ellement Ă celui de nos collĂšgues de bureau, de nos amis ou mĂȘme de notre famille. Simplement parce que lâexposition mĂ©dia et algorithmique de nous subissons est de plus en plus intriquĂ©e Ă notre personnalitĂ© et Ă nos habitudes.
Et si ce monde, que nous expĂ©riençons au quotidien par le biais de notre smartphone, se personnalise de plus en plus, se distingue de plus en plus dâune rĂ©alitĂ© commune⊠nâest-ce pas finalement que nous vivons dĂ©jĂ , quelque part, dans un MĂ©tavers ?
On complÚte avec quelques bricoles trouvées çà et là sur le Net ?
Trois petits liens de plus pour alimenter votre vision du monde numĂ©riqueâŠ
đ€ Vieil article, toujours dâactualitĂ© au vu des rĂ©flexions actuelles sur le rĂŽle de la technologie dans lâurgence Ă©cologique : IrĂ©nĂ©e RĂ©gnauld replonge dans les mĂ©andres de la CybernĂ©tique, un mot quâon aurait presque oubliĂ©, et se pose la question de sa renaissance Ă lâĂšre des Intelligences Artificielles (Câest ici : https://maisouvaleweb.fr/projet-cybernetique-de-lintelligence-artificielle/)
Ne peut-on rĂ©soudre que ce quâon mesure ? Lâurgence Ă©cologique nâest-elle quâune question de DATA et de rĂ©action mesurĂ©e Ă celles-ci ? Le dĂ©bat fait rage, plus que jamaisâŠđŸ #Autopromo. Depuis le milieu de lâĂ©tĂ©, je mĂšne un projet dâexploration par la fiction avec le Laboratoire dâInnovation NumĂ©rique de la CNIL (LINC) autour des thĂ©matiques de la donnĂ©e et de lâenvironnement. Ce projet a donnĂ© lieu Ă un important appel Ă contribution des imaginaires. Quels sont les livres, films, fictions, expĂ©riences de design que vous Ă©voquent ces thĂ©matiques du futur, de lâenvironnement et de la protection des donnĂ©es ? Les rĂ©ponses ont Ă©tĂ© nombreuses et elles sont consultables ici : https://mensuel.framapad.org/p/linc-data-et-ecologie-9p6v?lang=fr. (Vous en avez des choses Ă lire et Ă voir !)
đ #Autopromo #2 : Depuis dĂ©but septembre, sur le blog de lâagence Serviceplan, on partage une histoire et une exploration de lâHypertexte et de la façon dont nous interagissons sur les rĂ©seaux. Cela sâappelle #AsWeMayLink, et câest consultable lĂ (3 Ă©pisodes sur 8 sont en ligne actuellement) : https://serviceplan.blog/fr/2021/09/as-we-may-link-la-blibliotheque-des-origines
Et pour finir, un peu de lecture et de musique ?Â
đ « Il y a bien une conspiration : elle implique deux cents millions de personnes. Son objectif est le suicide. » Derek Taylor a Ă©tĂ© lâattachĂ© de presse des Beatles, lâun des employĂ©-clĂ© dâApple - non lâautre - et a naviguĂ© entre Byrds et Beach Boys dans la Californie des annĂ©es 1960. Ses quelques mĂ©moires - Dans lâombre des Beatles aux Ă©ditions RivagesRouge), Ă©crites comme elles se racontent, entre 1968 et 1972 valent le pesant de LSD. Ăa se dĂ©vore et ça inspire !
đż Pas une dĂ©couverte, mais quâil est dur en ce moment de dĂ©crocher ses oreilles des Black Keys et de leur album Turn Blue qui date, dĂ©jĂ , de 2014.
đŒ GĂ©nĂ©ration Walkman ? Allez, on se mate La Folle JournĂ©e de Ferris Bueller, ce qui, de maniĂšre assez inspirĂ©e, refera le lien avec les Beatles et les mĂ©moires de Derek Taylor. La boucle est bouclĂ©e !
Un petit mot Ă propos de lâauteur ? Je suis François Houste, consultant au sein de la bien belle agence digitale Plan.Net France et auteur des Mikrodystopies, de trĂšs courtes nouvelles de fiction qui interrogent sur la place des technologies numĂ©riques dans notre quotidien.
Merci de votre attention et Ă la prochaine fois pour parler dâautres choses !
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Ă la prochaine !