😱 Netskam
Où l'on parle de honte et de cigarettes, d'avions et de prévention, du Kazakhstan et de glaciers. Rien que ça. C'est Virtuel(s), opus #13.
Virtuel(s) explore de manière irrégulière les imaginaires et notre relation au numérique.
À chaque billet on réfléchit, on imagine et on n’a pas forcément de réponses. Vous êtes aujourd’hui presque une cinquantaine à suivre cette aventure écrite. Bonne lecture ! 😉
Des [💿], [📗] ou [📰] ? Cliquez, ils vous emmèneront vers des compléments d’information.
🔥 Global Warning
Netskam (n. m.) : sentiment de honte lié à l’utilisation d’outils numériques.
Netskam. Le terme a commencé à se populariser au printemps 2022, il devient réellement tendance au mois de mai en France. Il prend ses racines dans deux phénomènes distincts, mais finalement très proches.
Le premier, c’est le flygskam [📰], terme suédois désignant la honte de prendre l’avion et de contribuer ainsi individuellement et fortement au dérèglement climatique. Ce phénomène, apparu à la fin des années 2010, s’est accentué à partir de 2020 en parallèle de la crise de la Covid-19 et des mouvements de l’industrie aérienne pour assurer sa propre survie. On se souvient des vols à vide opérés par la Lufthansa début 2022 [📰] : 18.000 liaisons réalisées par des avions sans passagers dans le seul but, pour la compagnie, de conserver ses créneaux aéroportuaires en vue d’une hypothétique reprise du trafic mondial. L’impact écologique de cette opération a fait scandale, et de manière concomitante à la diffusion de plusieurs fictions [🎥] sur les plateformes de streaming, a contribué a augmenter la prise de conscience populaire de l’urgence de l’action face à la dépense carbone.
Le second, c’est la Crise du Bitcoin, qui a débuté au Kazakhstan en janvier 2022 [📰]. Crise économique plus qu’écologique, elle est la réponse violente d’une population pauvre face à la confiscation de l’énergie par une élite technophile. Le bannissement des fermes de minage de Bitcoin de Chine en octobre 2021 [📰] et leur déménagement massif a Kazakhstan à la fin de la même année a provoqué dans une pénurie d’énergie sans précédent, lors d’un hiver rude comme en connait traditionnellement l’Asie Centrale. Mêlée à la précarité immense de la population kazakhe, la situation a provoqué un renversement du régime politique du pays, pourtant soutenu par Moscou et la mise en place d’un nouveau gouvernement - fantoche et lui aussi soutenu par Moscou. Mais, en mesure d’apaisement, le bannissement du minage de cryptomonnaie a lui aussi été décrété au Kazakhstan. De nombreux pays ont suivi, votant les mêmes lois et dévoilant enfin le scandale écologique des cryptomonnaies au plus grand nombre.
La prise de conscience dans les pays occidentaux a dépassé les seules cryptomonnaies et a provoqué une vague de techno-critiques très dure, et surtout plus populaire que jamais. Le Netskam a fédéré plusieurs mouvements. L’écologie bien entendu, mais également les critiques politiques vis-à-vis de ces réseaux sociaux qui provoqueraient la radicalisation des populations [📰] ou permettraient la manipulation de masse à la veille d’échéances démocratiques majeures [📰]. Mais aussi le ras-le-bol d’une partie de la population qui, depuis quelques années, avait le sentiment d’être laissée de côté par la numérisation à marche forcée des services publics [📰].
“Moins d’octets, plus de vie !” a sonné comme un cri de ralliement de tous les lassés du numériques, de tous les opposants à une vie qui ne passerait que par le smartphone et les Intelligences Artificielles. Le gouvernement, même s’il a fustigé dans un premier temps le comportement de quelques ‘Amish‘ [📰], ne pouvait pas ne pas réagir devant l’ampleur de la fronde. Il a voté en urgence un Principe de précaution numérique obligeant les grands fournisseurs d’outils et de solution à prévenir des travers de leurs plateformes et matériels. Un système qui, l’assurait-il, avait déjà fonctionné avec l’industrie du tabac, de l’alcool et était en cours d’expérimentation contre les ravages écologiques de l’industrie automobile [📰].
Alors, on a vu se multiplier les messages de prévention un peu partout : sur les emballages des appareils électroniques - “Les émissions de données de cet appareil sont autant d’émissions de CO₂ pour l’environnement, gardez-en un usage modéré.” - sur les écrans d’accueil des logiciels - “Avant d’utiliser ce logiciel, pensez à préparer votre travail hors-connexion, vous économiserez de l’énergie et contribuerez à préserver la planète” -, dans les interfaces des messageries électroniques - “Chaque octet compte. Pour la protection de la planète, utilisez de préférence des messages courts”. Ce fut d’abord des recommandations, des propositions d’usages alternatifs.
Puis ce furent des incitation à moins utiliser certaines applications - “Le stockage d’information sur le cloud consomme de l’énergie et dégrade le climat. Pour la santé de la planète, utilisez un support de stockage local chaque fois que possible.” - à nettoyer ses fichiers régulièrement - “Vous n’avez pas écouté ces morceaux depuis plus de deux ans. Pour le bien de la planète, pensez à supprimer régulièrement les fichiers inutiles.” - voire à supprimer ses comptes sur certains réseaux.
Ce furent enfin des images culpabilisantes montrant des banquises en train de se fendre - “Les outils numériques contribuent fortement à la crise climatique et à la fonte des calottes polaires” - des feux de forêt gigantesques ou des ours polaires affamés.
Tout l’armada de la prévention fut très vite déployée. Ces messages de prévention, on en était certain, contribueraient à changer les mentalités, pour le bien de tous.
Restait à savoir… en combien de temps.
On complète avec quelques bricoles trouvées çà et là sur le Net ?
Trois petits liens de plus pour alimenter votre vision du monde numérique…
🚀 La SF molle, vous connaissez ? C’est celle qui ne remet pas en cause l’état du monde, fait des projections toujours optimistes et ne se pose pas la question des problèmes induits par le progrès technologique. Cyril Rimbaud vous apprend à la repérer facilement ici : https://www.cyroul.com/anticipation/prospective/comment-identifier-rapidement-la-sf-molle/
👨💼 Dans la série “on imagine le futur”, Noémie Aubron a une longueur d’avance. Pour Welcome to the Jungle, elle a imaginé le futur du télétravail. C’est là : https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/fiction-anticipation-monde-tout-le-monde-teletravail
Et pour ceux qui ne connaissent pas, sa newsletter Futur(s) est un must-read.
📉 [Autopromo] Pour Usbek & Rica, on a imaginé que le Net avait une date de fin. C’est le 19 janvier 2054. Une courte nouvelle à lire ici : https://usbeketrica.com/fr/article/19-janvier-2054-fin-de-l-ere-numerique
Vous avez encore un peu de temps devant vous, mais tout de même, on s’est posé la question, s’il ne restait qu’une seule heure d’Internet devant vous, que feriez-vous ? C’est là pour répondre : https://usbeketrica.com/fr/debat-imaginez-qu-il-vous-reste-une-heure-avant-que-l-internet-mondial-ne-saute-a-jamais-que-feriez-vous
Et pour finir, un peu de lecture et de musique ?
💿 Côté musique, ce billet a été réfléchi principalement en écoutant la playslist de FIP. Et plus particulièrement quelques excellents morceaux de Bertrand Belin. Vous reprendrez bien un peu d’Hypernuit ?
📚 Cela fait longtemps que l’on n’a pas parlé de Marcel Proust ici ? Non ? Sur la Lecture, court texte et préface que Proust écrivit en 1905 pour sa traduction de Sésame et les Lys de John Ruskin, est une petite merveille. Par son écriture légère tout d’abord… et par sa thèse qui veut que la lecture soit un catalyseur de la mémoire. Un outil qui aide à garder une trace des moments pendant lesquels nous avons lu, et des endroits dans lesquels nous avons lu.
On en reparlera, c’est certain.🎥 Pas vraiment un film, mais le compte Twitter de @Jaythechou s’amuse à incruster l’ours Paddington dans différents films, jours après jours. Oui, ça vaut le coup d’oeil.
Un petit mot à propos de l’auteur ? François Houste est consultant au sein de la bien belle agence digitale Plan.Net France et auteur des Mikrodystopies, de très courtes nouvelles qui interrogent sur la place des technologies numériques dans notre quotidien.
Merci de votre attention et à la prochaine fois pour parler d’autres choses !
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À la prochaine !