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đŸ‘šâ€âš–ïž Le procĂšs Zuckerberg (#10)
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đŸ‘šâ€âš–ïž Le procĂšs Zuckerberg (#10)

Week-end ? Fiction ! Il y a quelques mois, j'avais imaginé un début d'histoire autour d'un procÚs de Mark Zuckerberg, façon polar. C'est livré brut ici. Virtuel(s), déjà l'opus #10 !

François Houste
Oct 23, 2021
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đŸ‘šâ€âš–ïž Le procĂšs Zuckerberg (#10)
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Virtuel(s) explore, de maniĂšre irrĂ©guliĂšre, les imaginaires et notre relation au numĂ©rique. À chaque billet, on rĂ©flĂ©chit, on imagine et on n’a pas forcĂ©ment de rĂ©ponses. Vous ĂȘtes aujourd’hui presque une cinquantaine Ă  suivre cette aventure Ă©crite. Bonne lecture* ! 😉

L'audition de Mark Zuckerberg devant le CongrÚs américain a révélé un PDG  déconcerté, le patron de Facebook aurait-il trompé les élus américains ?

Il y a quelques mois, j'avais donc commencĂ© Ă  imaginer un dĂ©but d'histoire de procĂšs de Mark Zuckerberg, façon polar. Un commencement de rĂ©cit qui n’a aboutit nulle part et qui, Ă  sa façon, s’est laissĂ© doucement rattrapĂ© par la rĂ©alitĂ©. Alors plutĂŽt que de le laisser trainer sur un disque dur, le voilĂ  livrĂ© Ă  vos humeurs de lecteurs. Sans aucune prĂ©tention.

1.

— Merde !

La voix de James Baldwin rĂ©sonnait dans les couloirs du bĂątiment. Plus encore que d’habitude, les jeunes employĂ©s du bureau et les quadras en costard s’écartaient devant ce mĂštre quatre-vingt-quinze de muscles Ă  la dĂ©marche enragĂ©e. Personne ne souhaitait traĂźner dans ses pattes. Quand Baldwin Ă©tait d’une humeur aussi noire, tous savaient que rien ne le dĂ©tournait de sa destination.

— Merde ! Merde ! Merde !

Son poing rencontra la fontaine Ă  eau. Elle tangua mais ne se renversa pas. Les remous Ă  l’intĂ©rieur de la bombonne mettraient quelques minutes Ă  se calmer. Le flic en faction devant le bureau du procureur gĂ©nĂ©ral s’écarta d’un pas, pour ne pas ĂȘtre la prochaine victime. Baldwin ouvrit la porte d’un geste sec et n’attendit mĂȘme pas un bonjour.

— Il est mort.

Bobby Lloyd Ă©tait l’un des procureurs spĂ©ciaux de Washington. Il avait Ă  peine relevĂ© la tĂȘte.

Assis derriĂšre son grand bureau moderne, il avait entendu Baldwin venir de loin. Mais il Ă©tait depuis longtemps insensible aux accĂšs de colĂšre de ce premier assistant qu’il cĂŽtoyait depuis bientĂŽt vingt ans. Il Ă©changea un regard rapide avec sa secrĂ©taire, prĂ©sente elle aussi dans le bureau. Regard qu’elle comprit aussitĂŽt. Elle sortit en prenant soin de refermer la porte que Baldwin avait laissĂ©e grande ouverte, laissant les deux hommes seuls dans la piĂšce.

— Quand ? demanda Lloyd, sans plus de fioriture.

— Il y a une quarantaine de minutes, à peu prùs.

— Comment ?

— On ne sait pas encore. On a dĂ©pĂȘchĂ© des lĂ©gistes sur place, pour Ă©viter les remous. Ils doivent m’appeler d’ici dix minutes pour leur premier rapport.

— Merde


La rĂ©action de Lloyd montrait moins de la colĂšre que de la frustration. Alors que Baldwin se braquait, explosait, quand l’un de ses plans dĂ©raillait, Lloyd lui se contenait. Il intĂ©riorisait et mettait immĂ©diatement en marche ses cellules grises.

Les implications de cette mort Ă©taient gigantesques. C’était sans doute la pire des choses qui pouvait arriver. Et au plus mauvais moment. Tout ce boulot rĂ©duit quasi Ă  nĂ©ant Ă  deux semaines Ă  peine de la mise en accusation.

— Il n’en reste qu’un seul, commenta Baldwin, juste pour la forme.

Il connaissait aussi bien que son supĂ©rieur tous les tenants et les aboutissants du dossier. Cela allait faire trois ans qu’ils bossaient ensemble l’instruction de ce qu’on aurait pu appeler Le ProcĂšs du SiĂšcle. Une enquĂȘte gigantesque. Des milliers d’heures d’enregistrement, de documents compromettant, des piĂšces Ă  conviction. Un dossier Ă©norme. Une affaire d’ampleur mondiale, aussi bien politique que mĂ©diatique


— Ouais. Tu le sais comme moi. Si on veut avoir une chance que le procĂšs aille jusqu’au bout en tout cas. Sur nos trois coupables – Lloyd ne prenait guĂšre de pincette avec son vocabulaire quand il Ă©tait en comitĂ© restreint – il n’en reste qu’un seul qu’on puisse prĂ©senter au juge. Il va falloir le surveiller de prĂšs. C’était vraiment pas le moment. À deux semaines prĂšs


Baldwin savait déjà tout ça.

— Merde ! s’énerva Baldwin.

Son poing gauche Ă©tait de nouveau serrĂ©, blanc aux articulations. S’il y avait eu quelque chose sur lequel se dĂ©fouler dans le bureau, il l’aurait sans doute dĂ©jĂ  fracassĂ©.

Le vibreur de son téléphone coupa net ce nouvel accÚs de rage. Desserrant le poing, il sortit de sa poche un vieil appareil à clapet et décrocha.

— Baldwin.

Bobby Lloyd n’entendait rien de la conversation, en dehors des Oui  et des Mmmh affirmatifs de son assistant. Mais vu sa tĂȘte, il se doutait que c’était le coroner de Seattle qui Ă©tait Ă  l’autre bout de la ligne et qu’il dĂ©taillait son tout premier rapport.

James Baldwin raccrocha d’un clac vif, rengaina son tĂ©lĂ©phone dans la poche extĂ©rieure de sa veste et fixa son supĂ©rieur dans les yeux.

— C’est le cƓur qui a lĂąchĂ©. Le coroner cherche des causes plus prĂ©cises, mais ça va demander du temps – Baldwin marqua une pause, le temps d’un soupir – DĂ©cidĂ©ment, Bezos aura toujours eu un coup d’avance sur les autres, aussi bien en affaire que quand on cherche Ă  l’inculper


Quelque part Ă  Medina, dans la banlieue luxueuse de Seattle, le corps du milliardaire Jeff Bezos Ă©tait en cours d’autopsie, sans doute par le mĂ©decin-lĂ©giste le plus expĂ©rimentĂ© de l’état de Washington. L’ancien patron d’Amazon, qui avait rĂ©gnĂ© plus de vingt-cinq ans sur un empire commercial titanesque avait fini ses jours dans le luxe, quelques mois seulement aprĂšs sa retraite officielle. Celui dont le monde entier avait copiĂ© les morning routines Ă©tait mort dans son lit un matin de juillet.

Ça ressemblait Ă  une blague. Dans quelques annĂ©es, on en ferait sans doute un scĂ©nario de film. Quelque chose dans la veine du Citizen Kane d’Orson Welles.

Pourtant, pour Barry Lloyd, tout cela n’avait rien d’une blague. Avec Jeff Bezos, c’était une branche complĂšte de son plus gros dossier judicaire qui disparaissait. Un dossier de Crime contre l’HumanitĂ© qu’il avait, lui seul, l’audace de porter Ă  bout de bras malgrĂ© les intimidations et les influences politiques.

Oui, l’ex-patron d’Amazon aurait dĂ» rĂ©pondre, d’ici deux semaines, de Crimes contre l’HumanitĂ©, devant un tribunal constituĂ© spĂ©cialement pour l’occasion. Rien que ça. Le chef d’accusation qui concernait gĂ©nĂ©ralement les chef d’état gĂ©nocidaire ou gĂ©nĂ©raux adeptes de la torture avait Ă©tĂ© requis contre le gĂ©ant du numĂ©rique Ă  diffĂ©rents Ă©gards. Tout d’abord, pour l’impact qu’avaient ses services numĂ©riques sur l’environnement. La consommation Ă©lectriques de ses datacenters Ă  travers le monde, la production de matĂ©riel informatique gourmand en terres rares et l’occupation des sols par des milliers d’entrepĂŽts dissĂ©minĂ©s partout sur la planĂšte Ă©taient autant de preuve de la contribution d’Amazon Ă  la dĂ©gradation du climat terrestre. Et par lĂ , Ă  la disparition de milliers de personnes au cours des catastrophes climatiques qu’avait connu la planĂšte ces derniĂšres annĂ©es. Canicules, inondations, tempĂȘtes
 Si on avait bien creusĂ©, on aurait sans doute pu mettre Ă©galement la pandĂ©mie de 2020 sur le dos du milliardaire de Seattle.

Mais le crime Ă©cologique n’était pas le seul. Jeff Bezos avait Ă©galement Ă©tĂ© accusĂ© de favoriser la paupĂ©risation d’importantes populations. Le dossier constituait par Lloyd parlait en vrac des magasiniers aux cadences infernales, des livreurs obligĂ©s de baisser leurs prix pour se faire concurrence entre eux, des travailleurs du clic forcĂ©s de commenter ou valider des images Ă  longueur de journĂ©e pour un salaire symbolique... Sans compter l’impact du gĂ©ant du e-Commerce sur les petits commerces Ă  travers le monde. L’emprise mondiale de l’entreprise de Jeff Bezos n’était plus Ă  prouver, Barry Lloyd Ă©tait bien dĂ©cidĂ© Ă  prouver une fois pour toute son impact nĂ©gatif sur la planĂšte et sa population humaine, mĂȘme si ces accusations rentraient dans les cases de la justice traditionnelle.

C’est pourquoi, dans un Ă©lan d’audace, il avait recouru Ă  la terminologie de Crime contre l’HumanitĂ© pour qualifier les actions d’Amazon et les dĂ©cisions de son grand patron. Une action inĂ©dite, mais qu’il pensait pleinement justifiĂ©e.

Lloyd sortit de son mutisme :

— La presse est au courant ?

— A priori non. Pas encore. Mais t’imagines bien que si j’ai eu l’info, un de ces fouinards va l’avoir dans pas longtemps Ă©galement. J’ai quelqu’un dans l’équipe qui guette les rĂ©seaux sociaux et les sites de presse en permanence. On saura dans trĂšs peu de temps si ça a fuitĂ©, et ce qui a fuitĂ©. En attendant, j’ai expressĂ©ment demandĂ© Ă  ce qu’un premier examen approfondi soit effectuĂ© dans la propriĂ©tĂ© de Bezos, pour ne pas dĂ©placer le corps. Faire le moins de bruit possible.

— Bien, rĂ©pondit Lloyd avec un petit hochement de tĂȘte d’approbation.

Son cerveau cherchait dĂ©jĂ  les prochaines actions Ă  mener. Le procureur spĂ©cial pesait le pour et le contre. Le dossier Bezos n’avait peut-ĂȘtre pas besoin d’ĂȘtre clĂŽturĂ© immĂ©diatement. Sans chercher la condamnation posthume, les Ă©lĂ©ments rassemblĂ©s dans le dossier pouvaient toujours servir Ă  manipuler l’opinion publique.

Dans quelques heures, la presse et les millions de personnes connectĂ©es aux rĂ©seaux sociaux pleureraient le grand homme qui venait de mourir. Ce pape du capitalisme, cet homme d’affaire visionnaire qui avait rĂ©volutionnĂ© le commerce. S’ils fuitaient habilement, les quelques Ă©lĂ©ments Ă  charge pourraient toujours servir Ă  ternir la lĂ©gende dorĂ©e de l’ex dirigeant d’Amazon. Mieux valait garder quelques cartouches, car de toutes façons la bataille qui venait de se terminer faute d’adversaire Ă©tait loin d’ĂȘtre la derniĂšre dans la guerre que Barry Lloyd entendait mener contre les gĂ©ants de l’industrie numĂ©rique.

2.

— C’est tout sauf une mort naturelle, je suis formelle.

Alors que les messages de deuil et les premier articles de fond pleuvaient sur tous les rĂ©seaux digitaux du monde, James Baldwin n’avait d’yeux que pour les moniteurs de la salle de confĂ©rence dans laquelle il se trouvait. En face de lui, Ă  prĂšs de trois mille miles de lĂ , la jeune Trinity Gomez lui dĂ©taillait les premiĂšres conclusions de l’examen.

Cela faisait trois heures maintenant que Jeff Bezos avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© mort par la scientifique de Seattle, et deux heures que son corps avait Ă©tĂ© dĂ©placĂ© dans les locaux de la police. MalgrĂ© les plaintes de sa famille. On avait donnĂ© Ă  Trinity tout pouvoir pour mobiliser les Ă©quipes locales et faire procĂ©der Ă  l’autopsie la plus mĂ©ticuleuse possible, dĂšs la nouvelle de la mort connue. Trinity n’avais pas hĂ©sitĂ© Ă  user de ses influences et du nom de ses patrons pour arriver Ă  ses fins.

AussitĂŽt dans les locaux de la morgue, c’est une Ă©quipe complĂšte qui s’était mise au chevet du corps, procĂ©dant Ă  l’analyse la plus poussĂ©e qu’on avait vue de mĂ©moire de mĂ©decin lĂ©giste dans la ville. Rien n’avait Ă©tĂ© laissĂ© au hasard. Examen de la peau, des organes internes, analyses toxicologiques et neurologiques
 jusqu’à ce qu’on trouve le petit dĂ©tail qui choque.

Jeff Bezos Ă©tait le modĂšle mĂȘme du milliardaire qui s’entretenait. Un corps sain abritant un esprit des plus brillants, auraient dit les latins. Une morning routine Ă  toute Ă©preuve, qui avait inspirĂ© des millions d’internautes et d’entrepreneurs. Difficile d’imaginer qu’à soixante ans son cƓur puisse lĂącher comme ça, du jour au lendemain.

C’est une micro-Ă©cographie qui rĂ©vĂ©la l’anomalie : une brĂ»lure Ă  l’intĂ©rieur du myocarde, dans le ventricule gauche. C’était tout sauf normal. Et la seule conclusion possible Ă©tait que cette brĂ»lure Ă©tait la trace d’un choc Ă©lectrique ayant arrĂȘtĂ© le corps du milliardaire.

— Un choc Ă©lectrique Ă  l’intĂ©rieur du cƓur, s’écria Baldwin. Vous vous foutez de ma gueule, on nage en pleine science-fiction !

— Vous n’ĂȘtes pas au bout de vos surprises, rĂ©pondit Trinity en baisant les yeux de sa camĂ©ra pour regarder quelques notes Ă©talĂ©es sur son bureau. On a cherchĂ© ce qui pouvait provoquer ce type de choc, vous vous en doutez. Et on a filtrĂ© la quasi-totalitĂ© du sang de Bezos. Vous n’imaginez pas Ă  quel point c’est dĂ©gueulasse de voir ce genre d’opĂ©ration.

Baldwin imaginait trĂšs bien. Son passĂ© dans les forces spĂ©ciales, en Irak et en Afghanistan, lui avait sĂ»rement fait vivre des expĂ©rience pire qu’une ponction sur un cadavre. Au moins Bezos Ă©tait mort pendant qu’on lui tirait son sang.

— Bref, on filtrĂ© le sang du corps de Bezos et on a trouvĂ© ça.

Trinity tenait un petit sachet en plastique devant la caméra de son ordinateur, avec dedans une plaque de verre transparente.

— Qu’est-ce que c’est ? s’énerva Baldwin. On ne voit rien avec la camĂ©ra.

— C’est un microrobot, une sorte de drone si vous voulez, qui devait circulait dans le corps de Bezos. Ce truc est totalement mort lui aussi, inerte. Mais on va le faire analyser pour savoir s’il pourrait ĂȘtre la cause de la dĂ©faillance cardiaque.

— Un microrobot dans les artĂšres ? Il aurait dĂ»t mourir d’un AVC ou d’une thrombose si c’est ça


— Pas nĂ©cessairement, on peut tout imaginer


VoilĂ , ça ne va pas plus loin. En espĂ©rant que ça vous a plus 😉

Bon week-end et Ă  la prochaine.


Un petit mot Ă  propos de l’auteur ? Je suis François Houste, consultant au sein de la bien belle agence digitale Plan.Net France et auteur des Mikrodystopies, de trĂšs courtes nouvelles de fiction qui interrogent sur la place des technologies numĂ©riques dans notre quotidien.


Merci de votre attention et à la prochaine fois pour parler d’autres choses !

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À la prochaine !

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