🕺Humain | Cybernetruc #05
Les robots rêvent de moutons ? C'est connu... mais les robots rêvent aussi, paraît-il, de devenir humains. C'est ce qu'on dissèque en invoquant cette fois Philip K. Dick, Pow Wow ou Romain Gary.
CYBERNETRUC! explore de manière irrégulière nos imaginaires technologiques et numériques. À chaque billet on divague, on imagine et on n’a pas forcément les réponses. Vous voilà désormais cent, tout rond, à suivre cette aventure. Bonne lecture ! 😉
Des [💿], [📗] ou [📰] ? Cliquez, ils vous emmèneront vers des compléments d’information.
Moutons
A quoi rêvent les androïdes ?
Si on en croit Philip K. Dick, ils rêvent de moutons électriques [📕].
Mais si on en croit la science-fiction de manière générale, les robots, androïdes et autres intelligences artificielles ne rêvent que d’une chose : devenir humains.
On peut se replonger, par exemple, dans Le Temps d’un Souffle, je m’attarde [📘] de Roger Zelazny – on en parlait dans 🎇 Étincelle – dans lequel une intelligence artificielle, bien après la disparition de l’humanité, cherche à acquérir une conscience et à s’approcher de ces humains presqu’oubliés. On peut bien également revoir Real Humans, la série norvégienne toujours visible sur Arte [📼], dans laquelle des robots humanoïdes – des Hubots – cherchent à s’émanciper de leur statut d’outils domestiques ou industriels. Défendus par certains humains, il cherchent à démontrer leur… humanité. Leur droit à exister en tant que minorité consciente, dans un combat qui n’est pas forcément sans rappeler les luttes pour les droits civiques qui se déroulaient aux États-Unis dans les années 1960 [📄].
Les robots, et les intelligences artificielles, souhaiteraient donc devenir humains tout comme nous ? Ou en tout cas, être reconnus comme les êtres aussi conscients que les humains.
Pour en revenir à Philip K. Dick, on retrouve dans cette idée une grande partie de l’intrigue de Blade Runner : des robots revenus sur Terre pour réclamer le droit à exister et à ne pas être considérés comme inférieurs aux hommes. Le droit de ne pas être dépendant d’une volonté humaine totalitaire. Le droit de vivre tout autant que les humains, avec des capacités cognitives et physiques finalement semblables aux nôtres, sinon supérieures.
La fin, en résumé, du droit de vie ou de mort que l’être humain a sur la machine.
Maîtres
Mais il arrive que les robots rêvent d’autre chose. De rébellion par exemple.
Avant d’être le thème de la série des Terminator [📼] – coucou Mon Ami Skynet [🐤] – la révolte des robots a été un classique de la littérature d’anticipation. Et on illustrera cette fois cette révolte avec R.U.R. - Rossum’s Universal Robots [📄], la pièce de théâtre écrite en 1920 par l'auteur tchécoslovaque Karel Čapek. Celle-là même qui a inventé le terme de ROBOT.
Dans ce classique des classiques, l’homme réussit à créer une machine à son image : humanoïde, mais plus forte, plus logique, qui n’a pas besoin de repos… mais également dénuée d’émotions, de sentiments ou de sensations. Ces Robots envahissent bientôt le monde. Ils peuplent les usines, libérant l’homme du travail. Ils deviennent soldats et sont envoyés au front en place des humains. Chaque pays possède désormais son contingent de millions de robots prêts à servir, à produire… et l’homme n’a plus pour lui que le loisir et l’oisiveté.
Sans défi, l’homme perd son utilité sur Terre. La natalité baisse. Tandis qu’au grès des expériences, le robot prend désormais conscience de son importance. Le robot, c’est celui qui fait tourner le monde. L’homme, lui, est devenu un parasite inutile. Le robot veut donc, naturellement, devenir le maître de la création.
Dans la guerre qui s’ensuit, l’humanité périt. Et dans une illumination, le robot devient finalement… presqu’humain.
On en revient finalement à cette question de l’étincelle : le robot peut-il développer sa propre humanité si les humains sont encore présents pour se comparer à lui ? Ou est-ce que l’Intelligence Artificielle ne peut accéder à la conscience que dans un monde sans… concurrence ?
Je digresse.
Humains
Mais après tout, pourquoi les robots voudraient-ils devenir humains ? Pourquoi ne voudraient-ils pas devenir des chats [💿], des chiens [💿], des éléphants ou des Dieux ?
Encore qu’en voulant dominer les hommes, ne peuvent-ils pas devenir nos Dieux ? Relisez notamment Conflit évitable [📘] d’Isaac Asimov - encore lui.
Sans doute parce que nous rejetons tout d’abord sur eux nos propres fantasmes, et nos propres peurs, d’être dirigés et dominés. Et encore une fois, comme le disait Alan Turing (voir ce qu’on disait dans 🧠 Intelligence), nous ne pouvons deviner ce qui fait l’intelligence de l’intérieur, nous ne pouvons qu’en percevoir les signes suivant notre propre interprétation. Nous ne pouvons donc imaginer que, nous projeter dans, une intelligence “humaine”.
Nous projetons nos fantasmes sur les intelligences artificielles. Nous parlons pour elles. Et dans certaines séries – comme Real Humans – nous voyons bien que les défenseurs de la cause robotiques impostent finalement leur rôles, puisqu’ils ne peuvent imaginer ce qu’est d’être un robot. Il est facile de faire de l’anthropomorphisme sur une intelligence artificielle.
Mais, a-t-on le droit de prendre la parole, et de se projeter, dans les désirs d’une population robotique ? Le livre Qui parle ? d’Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós [📗] ne se pose pas directement la question, mais interroge sur la façon d’incarner les animaux, l’environnement, la nature, la planète et de porter leur parole pour défendre leur cause à l’heure de l’urgence environnementale. Débat similaire et autrement urgent que celui qui nous occupe autour des robots.
Comment défendre la nature – ou les éléphants [📕] – si ceux-ci ne peuvent participer au débat ? Et comment ne pas projeter nos propres désirs sur leur existence ?
Comment défendre les robots si ceux-ci ne parlent que par la voix de l’homme ?
Comment savoir ce que veulent réellement les intelligences artificielles ?
Et si elles n’avaient, finalement, aucun envie de venir humaines ?
Je vous laisse gamberger là-dessus.
Un petit mot à propos de l’auteur ?
François Houste est consultant au sein de la bien belle agence digitale Plan.Net France et auteur des Mikrodystopies, de très courtes nouvelles qui interrogent sur la place des technologies numériques dans notre quotidien.
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Merci de votre attention et à la prochaine fois pour parler d’autres choses !